Par : Dhouha NASRI*
Si la Tunisie avait réussi à construire une belle image à l’échelle internationale et une réputation solide, c’est grâce principalement à son capital humain. Cette richesse humaine a été formée, encadrée et développée sur les bancs de l’université tunisienne pendant les décennies passées.
L’enseignement supérieur a toujours été l’un des piliers fondamentaux du développement socio-économique de notre pays, mais malheureusement, il est en train de perdre son aura d’une manière systématique depuis plusieurs années. La principale lacune de ce secteur est son incapacité à s’adapter aux exigences de l’appareil productif en matière de compétences requises sur le marché de l’emploi. L’inadéquation entre les besoins de l’entreprise et la qualité de la formation de jeunes diplômés creuse davantage le gouffre entre le monde professionnel et le monde académique et constitue, par conséquent, un handicap majeur pour l’économie tunisienne.
Le paradoxe de l’emploi en Tunisie : Plus vous êtes diplômés, plus vous êtes exposés au chômage.
Le constat frappant dans le monde du travail reste le chômage de diplômés de l’enseignement supérieur par rapport à la population non diplômée. Un paradoxe qui taxe les tendances générales de l’emploi en Tunisie depuis des années. Selon une étude menée par l’Institut Tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ) en 2019 sur l’inadéquation des qualifications sur le marché de l’emploi, le taux de chômage de diplômés a augmenté de 78% contre une diminution de 14.5% de celui de non diplômés entre 2006 et 2017. Cela montre que le niveau d’étude n’est plus le seul garant pour accéder au monde du travail, et que la tendance de ce dernier joue plutôt en faveur de la population non diplômée. Les statistiques de l’INS montrent, également, que le taux de chômage de diplômés a augmenté de 28% à 28.6% au troisième trimestre de l’année 2019. Le chômage est concentré surtout dans le sud et le Nord-Ouest du pays avec un taux de 75% contre 25% dans le nord et le Nord-est selon une étude menée par l’institut arabe des chefs d’entreprises, IACE, sur le marché de l’emploi en 2018.
Défi majeur du marché de l’emploi : l’inadéquation entre l’offre de l’université et la demande de l’entreprise.
L’inadéquation entre les compétences de diplômés et les profils recherchés par les entreprises constitue l’handicap pour les jeunes diplômés. En effet, les capacités de demandeurs d’emploi ne répondent pas souvent aux besoins des entreprises. On ressort de statistiques de l’IACE sur le marché de l’emploi en 2018, que 75% de problèmes rencontrés par les entreprises interrogées sont liés à la qualité et aux compétences de candidats, suivis par les salaires élevés (25%) et l’absence de candidats (17%). La même étude montre que 33% seulement de candidats ont une bonne et excellente maîtrise de compétences techniques, 34.3% ont de compétences moyennes et 33% environ ont des compétences insuffisantes et peu satisfaisantes. Le constat est identique en ce qui concerne l’adéquation globale entre les compétences recherchées et les compétences présentées. À ce niveau, seulement 32% de candidats satisfont le critère. Mais là où le bât blesse, c’est au niveau de présentations écrites et orales de compétences et des expériences. 60% environ de candidats sont jugés incompétents sur ce plan. Il s’agit de compétences relatives à la rédaction des rapports, de la présentation de projets et de l’aisance orale. Ces compétences sont d’une importance primordiale pour l’épanouissement professionnel.
* Dhouha NASRI est un cadre bancaire, diplômée d'un Bachelor of Business Management du prestigieux TBS - Tunisian Business School et d'un Master en Administration des Affaires de l'ISCAE - l'Institut Supérieur de Comptabilité et d'Administration des Affaires de Tunis.
